J'avais 18 ans et un professeur de philosophie que j'adorais. La philo c'était ma bouffée d'air, mon oxygène au milieu de mes tourments d'adolescent. Nous étudiions Descartes, Voltaire, Diderot, Montesquieu. Nous parlions de justice, de droit, de bonheur, de liberté. Un jour notre prof nous a soumis un texte qui n'était pas au programme, ce texte était d'un poète martiniquais nommé Aimé Césaire. Il parlait de l'homme et de son avenir. C'est un texte qui m'a marqué et dont je me souviens encore.
Aimé Césaire est mort hier. La France lui rend un hommage unanime. Unanimité un peu hypocrite puisqu'il n'a pas toujours été reconnu et accepté par tous mais la mort est ainsi, elle blanchit tout ce qu'elle touche. Pourtant Césaire disait "Nègre je suis, nègre je resterai".
Voici le texte dont je parlais (extrait de Cahier d'un retour au pays natal):
Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,
car il n'est point vrai que l'œuvre de l'homme est finie
que nous n'avons rien à faire au monde
que nous parasitons le monde
qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde
mais l'œuvre de l'homme vient seulement de commencer
et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence et de la force
Nègre je suis, nègre je resterai (Libération)
Pour regarder le siècle en face (exposition consacrée à Césaire par l'Unesco)